Damien Gabriac signe, monte et joue une fable d’amour cruelle en usant des codes d’écriture du Net. Un univers inédit et vertigineux.

Une jeune femme cherche l’amour sur des sites de rencontre. Elle entame une correspondance avec un homme, passe une nuit avec lui et en tombe amoureuse. Après un silence de six mois, il reprend contact avec elle et lui révèle qu’il l’a utilisée pour une commande d’écriture. La vengeance sera féroce…

Si l’histoire peut sembler banale, son écriture, sa narration, sa mise en scène ne le sont guère. Damien Gabriac a créé une œuvre intense, un univers singulier au rythme violent. Le texte qui se cale sur les codes des échanges numériques se dit, se crie et se lit, se dialogue, se rompt comme sur une page de tchat. La mise en scène renforce cette évocation de l’univers du web. Vidéo et musique sont utilisées comme signaux suggestifs d’un environnement saturé obligeant les deux protagonistes à recourir au micro pour se faire entendre.

Auteur de ce texte et de sa mise en scène, Damien Gabriac en partage l’interprétation avec Jeanne François. Tour à tour, comme chacun en solitaire devant sa machine, ils lâchent leurs mots sur le réseau pour se répondre sans jamais se parler. Les modalités de cette communication en-deçà de toute présence, de toute matérialité sont troublantes.

Le point de Godwin qui titre la pièce est une loi déterminée par un sociologue du même nom. Elle stipule qu’une discussion en ligne qui dure a toute chance de se terminer avec la condamnation de l’un des interlocuteurs par le second comme fasciste.

Quelles places ces écritures, les manques et les attentes qu’elles trahissent réfugiées dans une virtualité vertigineuse laissent-elles aux individus de chair et à leur réelle rencontre ? Ce superbe texte d’une étincelante modernité et la formidable interprétation qu’en font les deux comédiens n’a pas la prétention d’y répondre. Juste d’en souligner avec énergie le danger.

Jean-Luc Bertet — juillet 2011