Vigile et Homère

Avec audace, la pièce commence par des images sur écran. Un court-métrage pour établir un état géographique des lieux - une place de Nouméa - et l'état psychologique de Nesta - ex-taulard paumé, emprisonné à tort, mais réintégré dans son travail de nuit. Un rapport de faits-divers biographiques pour comprendre son parcours d'enfant ballotté entre deux mondes, Maré et la grande ville, entre deux familles, la vraie (ayant explosé), et celle d'adoption. Deux mondes où cohabitent violence physiques, et affections. En gros tout ce qui fait notre actualité...
Ce portrait brosse une frange sociale, majoritaire du pas, dans un paysage multiple. Puis, le vigile prend vie, corps et la parole sur scène dans cette nuit pas tendre pour lui, exposé, tous les 18 mars depuis trois ans, aux cadeaux d'anniversaires spéciaux de sa femme.

Comme la jeunesse dans ses choix, Nesta (référence au grand Bob) se perd dans la réalité sociale (ce que doit toujours exprimer le théâtre) de ce lieu, entouré par le savoir (l'Université), la souffrance (l'hôpital psychiatrique) et par les squats (dérives et délinquance).
Petit à petit, faisant fi des ordres désincarnés venus d'une autorité verticale, il va investir la salle, la scène, la pièces réelle qui s'y joue et l'acteur qu'il imagine comme... son double, son alter ego. Sur les planches, l'Odyssée d'Homère, mythe répété depuis la nuit des temps par les hommes, ressemble à celle du vigile : exil loin du foyze, retour tardif, prétendant instalé et Pénélope instable. Spectateur de sa vie, il voit sa propre tragédie, tout comme le public venant au théâtre se frotte aux tourments de l'âme humaine pour les exorciser.

Le texte dense, porté par le fabuleux acteur Wakeu Fogaing, est rythmé de phrases courtes sans sujet, de répétitions musicales et obsessionnelles de mots, de retours cycliques sur l'action balisée par les anniversaires conjugaux.

Rolross
(article paru dans Les Infos de Nouméa, avril 2011)