« Micropièces » - © Roland Fichet

Depuis 2002, trois séries de textes courts de Roland Fichet circulent en Afrique. Ils sont joués par des équipes théâtrales, des acteurs et se transmettent de la main à la main. En cette fin 2005, plusieurs compagnies les jouent dans des lieux aussi divers que des Centres Culturels français, des Centres Culturels africains, des Alliances françaises, des bibliothèques, des « maquis ». Ces trois séries de textes ont été travaillées et mises en scène en 2003 et 2005 dans quatre pays : Cameroun, Burkina-Faso, Niger, Bénin. Elles avaient pour titre : Petites histoires (renaître), Petits chaos, Petites comédies rurales. Une série de douze chansons diffusée sous le titre Dans la peau est venue compléter cette mosaïque textuelle. Au total un corpus de quarante-cinq textes courts et de douze chansons.


Première période Cameroun 2002-2003

a) Les premières mises en scène

Ces textes, dès les représentations de juin 2002 au Centre Africréa de Yaoundé (Cameroun), et d’octobre 2002 dans les Côtes d’Armor, ont suscité une adhésion vive chez les acteurs et metteurs en scène africains présents aux ateliers et aux représentations. Les spectacles de juin et d’octobre 2002 mis en scène par Annie Lucas réunissaient des acteurs africains et des acteurs français dont Florisse Adjanohoun, Martin Ambara, Jeanne François, Wakeu Fogaing, Monique Lucas, France Ngo Mbock, Dovie Kendo. Les textes choisis par Annie Lucas et leur mise en scène dans l’espace brut (encore en chantier) et les éclairages rudimentaires du Centre Africréa de Yaoundé ont suggéré à Roland Fichet le titre Fenêtres et Fantômes. Ce titre a ouvert un point de vue inédit et donné une nouvelle perspective à l’agencement des textes, dont plusieurs prennent appui sur des faits qui se sont déroulés en Afrique mais aussi en Amérique Latine, au Liban, en Chine…

Dès le début de l’année 2003, Dovie Kendo, France Ngo Mbock, Martin Ambara, Wakeu Fogaing, Florisse Adjanohoun et Kocou Yémadjé ont mis en répétition, chacun dans leur pays, une partition originale de plusieurs de ces textes. Le 28 avril 2003, Roland Fichet a assisté en compagnie d’Alougbine Dine, à une représentation mise en scène par Florisse Adjanohoun et Kocou Yémadjé au Centre Culturel Français de Cotonou. Le soir même, Alougbine Dine, leur a proposé de les programmer au FITHEB de 2004. Du 19 au 24 mai 2003, Roland Fichet a assisté au Cameroun, à Yaoundé, en compagnie de Michèle Robert de l’AFAA, à trois autres mises en scène de textes de Fenêtres et Fantômes, à chaque fois dans des combinaisons différentes.

Metteurs en scène : Martin Ambara, Wakeu Fogaing, France Ngo Mbock. Avec l’émouvante équipe d’acteurs de la Compagnie Feugham, Wakeu Fogaing, acteur et metteur en scène d’une rare présence, a dès la première représentation au Centre Africréa fait résonner le sens et la forme des textes choisis par lui avec une sensibilité remarquable. Cet acte de théâtre, étonnant d’acuité, inaugurait une véritable quête artistique que la Compagnie Feugham poursuit aujourd’hui, donnant aux Fenêtres et Fantômes un style qui les inscrit dans l’histoire des formes théâtrales africaines. La Compagnie Feugham de Bafousam est dirigée par Wakeu Fogaing et Kouam Tawa. Le spectacle de Martin Ambara, présenté au C.C.F. de Yaoundé, dirigé par Odile Dayak, a touché Michèle Robert par son audace, la qualité du jeu et de la scénographie. Elle a eu envie de suivre le parcours de Martin Ambara et l’a choisi comme metteur en scène pour un des spectacles de la semaine Écritures d’Afrique de juillet 2005 organisée conjointement par la Comédie Française et l’AFAA.

La quatrième mise en scène camerounaise d’un spectacle-mosaïque Fenêtres et Fantômes a eu lieu le 16 mai à Douala, dans la salle du Centre Culturel protestant d'Akwa. La représentation de Dovie Kendo et de sa douzaine d’acteurs a déclenché surprise, étonnement, enthousiasme. Le débat qui a suivi le spectacle - débat auquel participait Roland Fichet - a été animé. L’esprit de cette nouvelle troupe de Douala a retenu l’attention de la directrice du C.C.F., Nadia Derrar, très sensible aux formes contemporaines. Ces quatre spectacles de mai 2003 articulaient chacun à leur manière des figures corporelles, des enchaînements gestuels, une mise en rythme et en musique des mots et des phrases inspirés des modes d’élaboration théâtrale expérimentés en juin et octobre 2002 avec l’équipe du Théâtre de Folle Pensée : Annie Lucas, Monique Lucas, Jeanne François, Roland Fichet.


b) « Petites Histoires » de Roland Fichet, par la compagnie Maluki. Dovie Kendo et Monique Lucas.

En octobre 2003, Monique Lucas s’est rendu à Douala à la demande de Dovie Kendo. Pendant trois semaines elle a travaillé avec le metteur en scène et l’équipe d’acteurs. Dans la foulée, la compagnie Maluki de Dovie Kendo a joué son spectacle dans plusieurs manifestations dont le RETIC de Yaoundé, un des grands festivals d’Afrique Centrale. En 2005, Dovie Kendo et sa belle troupe d’acteurs ont représenté les Petites histoires (Fenêtres et Fantômes) dans plusieurs villes du Cameroun : à Buea le 4 novembre, à Yaoundé le 9 novembre, à Garoua le 12 novembre, à Dshang le 18 novembre, à Bamenda le 19 novembre. Roland Fichet, Frédéric Fisbach et toute la distribution d’Animal ont eu le plaisir de voir une représentation du spectacle en décembre 2004 au Centre Culturel Français. Les rappels, à la fin de la représentation, ont déclenché un chahut très drôle, toute la salle réclamant une reprise de la pièce La 404 rouge.


Deuxième période Burkina-Faso et Niger. Les processus de création.

a) La constitution de deux collectifs d’acteurs

En avril 2003, Roland Fichet a lui-même mis en jeu plusieurs des textes Fenêtres et Fantômes au CCFN du Niger et au CCF de Ouagadougou. Il a proposé aux acteurs une démarche précise de lecture et d’interprétation fondée autant sur la matière sonore et le rythme du texte que sur son sens. Suite aux ateliers animés par Roland Fichet dans chacun de ces CCF un groupe d’acteurs s’est constitué. Les deux groupes, indépendants des troupes locales, soutenus par les deux directeurs Yves Ollivier (Ouagadougou) et Laurent Clavel (Niamey), se sont organisés en collectif d’acteurs. Ils ont traversé des moments délicats mais ils ont tenu le coup. Ils ont navigué dans le dédale des textes et y ont trouvé matière à entamer un parcours d’acteur fondé sur de nouvelles bases. Ils se sont préparés au rendez-vous Pièces d’Identités de février mars et avril 2004, rendez-vous proposé par Roland Fichet dès l’atelier d’avril 2003 et les rencontres de septembre 2003, pendant les Récréatrales de Ouagadougou.


Troisième période des spectacles Africains solides

À partir de février 2004, les spectacles Pièces d'Identités et Fenêtres et Fantômes en se croisant se sont nourris mutuellement. L'élan trouvé dans les représentations de Fenêtres et Fantômes de mars et avril 2004 par les équipes d'acteurs de Ouagadougou et de Niamey a permis de mobiliser durablement leur énergie et leur a aussi donné une conscience plus aiguë des exigences du métier d'acteur et plus largement du théâtre. Ce qui a eu des conséquences. Rencontrant après le départ de Folle Pensée de sérieuses difficultés pour articuler justement les désirs et les compétences, pour se tenir au même niveau de qualité artistique, les deux équipes ont demandé aux directeurs des deux CCF, Yves Ollivier et Laurent Clavel, d'organiser de nouvelles périodes de travail en 2004 et 2005 avec le Théâtre de Folle Pensée. Très sensibles aux spectacles Fenêtres et Fantômes et Pièces d'Identités et à cette démarche, les deux directeurs ont mis sur pied pendant la saison 2004-2005 deux périodes de répétition et de reprise des spectacles, la première en octobre 2004 et la seconde en mars et Avril 2005.

Monique Lucas, qui pendant la tournée 2004 avait mis en scène plusieurs des petites pièces Fenêtres et Fantômes, à cette fois pris en charge seule la refonte des spectacles et l'intégration des nouveaux acteurs. Pendant les deux périodes, elle a séjourné successivement à Ouagadougou et à Niamey. Le spectacle du 29 octobre 2004, qu'elle a mis en scène dans le théâtre Georges Meliès de Ouagadougou, assisté de quatre acteurs burkinabé et nigériens, est resté dans les mémoires d'Yves Olliver, de Laurent Clavel et de Olivier Poivre d'Arvor comme un grand moment de théâtre.

La période de Mars et avril, toujours sous la direction de Monique Lucas, a permis de construire, comme le souhaitaient Laurent Clavel et Yves Ollivier, des spectacles Fenêtres et Fantômes plus mobiles avec une distribution moins lourde. Des Fenêtres et Fantômes joués par six acteurs ont été représentés dans des débits de boissons populaires appelés maquis, dans des lycées, dans des cours, comme celle dont disposent les Tréteaux du Niger. Fenêtres et Fantômes a également été repris pendant le festival Pilotobé du Niger de 2005.

Les équipes théâtrales Fenêtres et Fantômes de Niamey et de Ouagadougou cherchent maintenant à jouer dans d'autres pays : Bélin, Mali, Tchad, Congo…

À Bafoussam, dans l'Ouest du Cameroun, la Compagnie Feugham a construit des rapports réguliers avec son public à partir en particulier des pièces Fenêtres et Fantômes. À la fin de l'année 2005, la compagnie Feugham jouait régulièrement à la bibliothèque, souvent le mercredi, sous la direction de Wakeu Fogaing, des Fenêtres et Fantômes.


Coda : résonance Afrique Bretagne

Comme un écho, au cœur de la Bretagne, à ces Fenêtres et Fantômes qui se répandent en Afrique de l'Ouest et en Afrique Centrale depuis 2002, la compagnie Dérézo a mis en scène au cours de cet été 2005, le long du canal de Nantes à Brest, sous le titre Chaos et Comédies, tout l'éventail des petites pièces qui composent le corpus Fenêtres et Fantômes. Le spectacle de Charlie Windelschmidt, Julie Bérès et Fabien André, drôle et profond, jouant avec les arbres, l'eau, l'herbe, dialoguait en toute innocence et en toute ignorance avec les jardins de Porto-Novo, les terrasses de Niamey, le sable d'Agadez où venaient résonner les mêmes sons, les mêmes phrases dans de tout autres bouches, dans de tout autres corps.