« Paysage intérieur brut » de Marie Dilasser, m.e.s. par Christophe Cagnolari - © Christian berthelot

Quand on lit un texte de Marie Dilasser, on plonge dans une langue qui nous est familière, chaleureuse, directe, souvent ludique. De ses mots, elle traque une femme — Bernadette — dont elle fait le portrait, elle la fouille pour mettre à nu sa face intime, comme on retournerait un gant.

Bernadette, sur le plateau, nous délivre une parole derrière laquelle elle ne dissimulera rien, et qui nous emmène, par salves, à faire de brusques incursions dans sa folie quotidienne. L’inconscient prend corps progressivement, les mots se disloquent, un patron harceleur devient un bœuf au sphincter magique… et l’on se demande s’il n’y a pas en Bretagne une herbe folle qui expliquerait qu’elle est depuis un siècle et demi un vivier d’auteurs surréalistes.

Car c’est bien à une vision surréelle que Marie Dilasser nous convie en suivant le cheminement obsessionnel d’une femme qui a trébuché dans le monde du travail, et qui ne s’en relève pas complètement. Cette chute, résultat d’une trop longue coexistence avec un patron pervers, semble avoir brisé chez elle sa mécanique intime.

Le harcèlement qu’elle a subi est ici emblématique de la violence d’un système économique voué à la compétition et au consumérisme, et dont les baumes officiels seraient le Lexomil et le flux télévisuel ininterrompu. Ou comment la course au Produit Intérieur Brut dévaste des paysages intérieurs.

Christophe Cagnolari